La barbare

La barbare

La barbare
« J’ai une heureuse nouvelle pour toi, lui annonça-t-il, tu vas te marier. » Sa fille ne répondit rien, ses jambes devinrent molles, sa gorge s’assécha, son poing se serra. « Avec le Cheikh Al-Barib ... - Je ne veux pas! hurla-t-elle tout d’un coup. » Cet élan de colère surprit Dioscore mais il resta très calme. « Tu feras ce que je te dicterai. - Non. - Il est riche, continua Dioscore. - Il est laid, répliqua sèchement sa fille. - Il est puissant, répondit le père. - Il est vieux, claqua la fille. - Pas plus vieux que moi. Je ne veux plus en entendre parler. De toute façon, l’affaire est conclue. - Je ne veux pas, je ne peux pas. J’en aime un autre. Il n’y a que lui. C’est lui que j’épouserai, pas un vieux vicieux qui sent l’urine.

Un conte de la Bibliothèque Incendiée

Livre numérique seulement.

Cela dit, tous les contes de la Bibliothèque Incendiée sont disponible dans un livre "papier".

ISBN: 978-2-9818932-5-3
Éditions Didascalie


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Extrait - La barbare


Un jour, Dioscore appela sa fille dans son bureau, une pièce petite, mais belle, où la fenêtre permettait au soleil de venir éclabousser de couleurs les tapis et les meubles de bois travaillé.

— J’ai une heureuse nouvelle pour toi, lui annonça-t-il, tu vas te marier.

Sa fille ne répondit rien, ses jambes devinrent molles, sa gorge s’assécha, son poing se serra.

— Avec le Cheikh Al-Barib…

— Je ne veux pas ! hurla-t-elle tout d’un coup.

Cet élan de colère surprit Dioscore, mais il resta très calme.

— Tu feras ce que je te dicterai.

— Non.

— Il est riche, continua Dioscore.

— Il est laid, répliqua sèchement sa fille.

— Il est puissant, répondit le père.

— Il est vieux, claqua la fille.

— Pas plus vieux que moi. Je ne veux plus en entendre parler. De toute façon, l’affaire est conclue.

— Je ne veux pas, je ne peux pas. J’en aime un autre. Il n’y a que lui. C’est lui que j’épouserai, non pas un vieux vicieux.

— Comment ? fit Dioscore avec l’intensité d’un serpent prêt à mordre. Tu aimes ? Qui est-ce ? Qu’as-tu fait avec lui ?

Il la saisit par les épaules. 

— Qu’as-tu fait avec lui ? Réponds-moi !

— Que veux-tu dire ? bredouilla la fille impressionnée, nous… nous passons notre temps ensemble. Nous dessinons dans le sable, nous attrapons des criquets pour attirer des lézards, nous dévalons la grande butte à la course. Rien de mal, père, rien de mal. Mais je l’aime, lâche-moi.

Dioscore se ressaisit, lâcha sa fille et alla près de la fenêtre.

— Qui est-ce ? demanda-t-il encore.

— Tu ne le connais pas. C’est un garçon de la cité. Un chrétien.

Dioscore pouffa de rire.

— C’est complètement ridicule, s’exclama-t-il. Un chrétien ! Pourquoi pas un babouin ?

Ce fut comme une insulte pour la jeune fille. Cracher sur les chrétiens, c’était cracher sur son amour, sur elle-même.

— Les chrétiens sont pauvres, renchérit Dioscore. 

— Je suis chrétienne moi aussi, lança la jeune fille, froide de rage.

La gifle de Dioscore partit d’un coup, avec tant de force qu’elle projeta la jeune fille à terre.

— Quand t’es-tu fait baptiser ? demanda le père.

— Je ne me suis pas fait baptiser.

— Alors tu n’es pas chrétienne, idiote.

— Je le serai dès que je sortirai d’ici.

— Dans ce cas, tu ne sortiras plus. Dès à présent, ta chambre sera la plus haute salle de la tour, il te sera interdit d’en sortir. Tu n’en sortiras que pour te marier avec le Cheikh Al-Barib. Ensuite, ce sera à lui de t’enfermer.

Lorsque Dioscore emmena sa fille dans la tour, elle criait, mordait, griffait, mais son père était le plus fort. Il la poussait, la tirait, la giflait. Il ouvrit la porte d’une toute petite pièce sèche et sombre, où un banc nu jonchait parmi les crottes de rat et les toiles d’araignée. Dioscore sortit et ferma à double tour. La fille vint s’échouer sur le banc. Ces quelques planches clouées ensemble lui serviraient de chaise, de table et de lit, désormais.



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