Aerik l'Auroch

Aerik l'Auroch

Aerik l'Auroch
Aerik a 12 ans, il se passionne pour les navires, les drakkars. S'il veut s'embarquer sur la prochaine expédition Viking, il devra d'abord prouver qu'il est un homme, et affronter un auroch. Un de ces animaux massifs, avec des cornes gigantesques, a justement éventré un des meilleurs guerriers du village. Aerik n’a qu'une chose à faire : prendre son courage à deux mains.

Un conte de la Bibliothèque Incendiée

Livre numérique seulement.

Cela dit, tous les contes de la Bibliothèque Incendiée sont disponible dans un livre "papier".

ISBN: 978-2-9818932-0-8
Éditions Didascalie


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Extrait - Aerik l'Auroch


— Ce n’est pas possible ! gronda-t-il. Quel écervelé, ce Fromund ! Mais qu’est-ce qu’il a dans le crâne ? Argh !

À ce moment, Borgthor et Meldun portèrent Fromund, visiblement blessé, à l’intérieur de la grande maison.

— Placez-le près du feu, lança mon père.

— Eeeeeeeeerrrrrrr, fit Fromund.

Sa jambe gauche faisait un angle inhabituel, juste en haut du genou. Elle était cassée, j’en étais sûr. Ses bras se cramponnaient sur son ventre tout imbibé de sang. Sa tête était maculée de terre et de sang.

Alors que j’entendais les exclamations des femmes et les pleurs des jeunes enfants, je m’approchai de la scène. Fromund était allongé, pâle et ensanglanté, ses mains toujours crispées sur son ventre. Meldun s’agenouillait à ses côtés.

— Fais voir un peu, dit Meldun doucement, en lui soulevant les mains. Le tissu en lambeaux avait coagulé sur les bras du blessé. Le ventre de Fromund avait été transpercé de part en part. On n’y voyait que des entrailles grouillantes. Il avait cessé de faire « eeeeeeerrrr », mais ses yeux étaient ouverts.

— Mais qu’as-tu fait, bougre d’idiot ? hurla mon père en s’approchant.

Les lèvres de Fromund remuèrent un peu, mais aucun son n’en sortit.

— Qu’on apporte de l’eau !

— Ça ne sert à rien, dit Borgthor, il n’en a plus pour longtemps.

— Ce n’est pas possible d’aller se faire tuer comme ça, stupidement, répondit mon père. Meldun et Borgthor, vous étiez avec lui. Racontez-moi ce qui s’est passé.

Borgthor s’éloigna et Agnar le suivit, tandis que Meldun restait avec le mourant. Moi, je voulais entendre l’histoire, alors je suivis mon père.

— Ça a commencé hier soir. On s’est mis à parler des expéditions en navire, des raids, des combats et… de la rage du combat. Cette transe que certains guerriers atteignent, où ils sont bénis des dieux, protégés des coups et de la douleur, et dotés d’une force extraordinaire : les berserks. Fromund était déçu de n’avoir jamais vécu cet état d’extase et de violence. Alors, je lui ai dit qu’il fallait se pratiquer, qu’il devait attaquer des ennemis, la rage au cœur, autant que possible, et qu’un jour, il y arriverait, à devenir berserk. Et puis, Meldun lui a dit que la bière altère les sens. Certains en prennent avant un combat, ça les rend plus agressifs et résistants à la douleur. Alors ce matin, Fromund est allé engloutir un tonnelet de bière, a saisi sa hache et son bouclier, est allé sur la plaine aux aurochs et s’est mis à courir en hurlant vers l’animal le plus imposant. Il n’a pas réussi à asséner un seul coup sur l’animal, mais celui-ci a eu vite fait de l’empaler sur ses grandes cornes et de l’envoyer faire un vol plané. À peine Fromund avait-il touché le sol, que l’auroch se ruait sur lui et le piétinait déjà. Ensuite, l’auroch l’a transpercé de ses cornes et l’a traîné sur une bonne distance, jusqu’à ce qu’il soit loin du troupeau. Et puis, il a abandonné sa victime là, gisant par terre, les entrailles ouvertes. Meldun et moi, on l’a ramassé et on l’a porté jusqu’ici.

— C’est très bien de vouloir devenir un berserk, mais ce n’est quand même pas très malin d’aller se faire embrocher par un auroch ! s’exclama mon père. Et comment va-t-on faire pour l’expédition viking qui part dans trois jours ? Il va nous manquer un guerrier.

— On peut prendre un fermier, répondit Borgthor.

— Qui va s’occuper de sa ferme en son absence ?

— Hmmm, on pourrait embarquer le charpentier.

— Et s’il se fait couper une main, qui est-ce qui va réparer nos navires ?

— Alors le magicien ?

— Elle est bonne ! Tu l’imagines avec une épée à la main ?

— Et moi ? fis-je tout d’un coup. Je peux venir avec vous.

Borgthor et Papa s’étaient tus, ils me dévisagèrent un moment… un long moment.

— Mais, c’est que tu as grandi, Aerik, s’exclama Borgthor.

— N’est-il pas trop jeune ? fit mon père à l’intention de Borgthor en me jaugeant de l’œil.

— Bah ! répliqua l’autre, y’a pas d’âge pour aller se faire tuer à des centaines de lieues de chez soi. Tout ce qu’il faut, c’est du courage.

— Et ça, rétorqua Agnar, du courage, il en a, puisqu’il ressemble à son grand-père. Ça y est, c’est décidé, mon fils, tu partiras avec nous lors de l’expédition.

— Youpiii ! criai-je en sautant.

— Attends un peu, fit mon père me rattrapant. Que tu sois mon fils ou non, ne change rien au fait que, seuls les hommes peuvent participer au voyage des Vikings.

— Et alors ? répondis-je, je suis un homme.

— Pas encore, tu n’es qu’un garçon pour l’instant. Il faut que tu aies ton rite de passage à l’âge adulte d’abord.

— Mais c’est vers seize ans que les garçons passent ce rituel. Je n’en ai que treize.

— Eh bien, tu devras le passer d’ici trois jours. Pas de rite de passage, pas d’expédition en navire.

— Et ça consiste en quoi, le rite de passage ? demandai-je.

— Et bien, tu devras…

Là-dessus, mon père hésita un instant et jeta un œil vers Fromund, qui ne bougeait déjà plus.

— La coutume veut, poursuivit-il, que l’homme en devenir se munisse d’une lance et aille chasser un auroch. Seul.

Ce fut comme un coup de massue, comme s’enfoncer la tête dans un casque trop petit, comme manquer de souffle sous l’eau. Les aurochs, bêtes énormes, armées de gigantesques cornes, sont particulièrement hostiles aux humains. Plus gros qu’un taureau. Plus agressifs qu’un loup. Ils sont le symbole de la virilité. Je ne pouvais pas me mesurer à eux. Ce n’était pas possible.

Je me tournai vers Fromund, qui venait d’en affronter un. Il gisait, Meldun à ses côtés, contusionné, lacéré, dépecé comme un simple morceau de viande. Il fit un dernier mouvement en s’écriant : « Bersek ! », puis il retomba, mort.



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